samedi 3 mars 2012

Strike : le fondateur du 7 de Safre

La lumière du soleil repte à travers la chambre exiguë pour venir s'enrouler autour d'une lame, elle s'y attarde en étreintes miroitantes, avant d'onduler à travers un bric-à-brac hétéroclite et de se perdre comme avalée par le goulot d'une bouteille vide. Encore une nuit sans sommeil pour Strike le contrefait...

Un poignard file et se plante, rageur, dans l'ombre cornue sur le mur. Poing gauche disproportionné, queue sinueuse, un cauchemar propre à déclencher chez les akkylanniens un de ces grands barbecues festifs comme ils les affectionnent tellement.

Même le reflet déformé sur le plastron de sa cuirasse lui parait mieux que l'original...

Même pas capable d'être un grotesque gobelin, juste un mutant, un monstre. Plusieurs fois il a pensé se défaire de ce visage de gargouille, racler jusqu'à l'os ce masque de carnaval écarlate, mais rien n'y fait. Les blessures se referment plus vite qu'il ne se les inflige et le diable dans le miroir le dévisage de plus belle. Goguenard. Grotesque. Si étranger que c'est comme s'il haïssait un autre que lui.

Pas la peine de rester là à se morfondre. Strike bondit du lit, en faisant fuir les chats qui se sont glissés par la fenêtre pour finir son repas et les restes divers qui jonchent le sol. Foutus félins, faut-il qu'ils soient courageux pour survivre dans une ville où les wolfens pullulent...

Sa main droite boucle son ceinturon tandis que sa senestre, aussi massive que maladroite soutient le baudrier de sa colichemarde. Il saisit ses jambières de cuir jetées sous le lit, et le plastron chitineux taillé dans la carapace couleur rouille d'une saleté insectoïde. Tant de pièces disparates, d'équipement dépareillé, comme s'il avait rodé aux quatre coins d'Aarklash et de son histoire : un bijou Daïkinee, une médaille datant de Kharboxyl, ses lames-pistolets jumelles comme volées à des inquisiteurs du Griffon...

Un corps sans cicatrice mais une identité en lambeaux...

Un patchwork d'événements sans queue ni tête, un brouhaha de batailles, de retraites, de contre-attaques et de retraites encore. Une fuite en avant décousue, à moins que ce ne soit que les divagations dérangées d'un mythomane.

Même si son corps régénère, sa mémoire, elle, est au bout du rouleau. Comme si sa date de péremption était depuis longtemps dépassée, qu'elle avait plusieurs fois franchi ses limites et qu'elle se soit effacée au petit bonheur la chance pour faire de la place.
Les tirs de canons ébranlent déjà le Rempart et l'odeur fétide du quartier s'éveille sous le soleil alors que, chapeau noir vissé sur le crâne, le gobelin se dirige sans hâte vers Den-Azhir.
Contre sa poitrine, le ducat ensanglanté par lequel il a prêté serment reste sans chaleur, comme mort, depuis que sa fratrie entière a été décimée dans une embuscade. Foutus usuriers, foutue régénération qui a voulu qu'encore une fois il survive aux gens qui avaient fini par l'accepter comme un frère.

Strike serre son poing difforme jusqu'à s'en donner mal au crâne, il est prêt à tout et à n'importe quoi plutôt que de voir sa ligue défaussée...

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