jeudi 8 mars 2012

Le Petit Cadwë : L'Oeil de l'Ombre

Quartier : Les Terrasses

Que feriez vous si vous vous retrouviez croqué et à demi monstrueux, sur toute une série de gravures à travers le Joyau ?

Telle une fée cachée sous son tertre, Ombre, dans son atelier, est un personnage difficile à débusquer. Pour peu que vous la cherchiez depuis les échelles et les passerelles environnantes, sachez qu’un subtil jeu de perspective masque toutes ses fenêtres. Le mur de la propriété des Lambale d’Iquor cache l’œil de bœuf depuis lequel, boudeuse, elle observe le fief, ou bien une des colonnes du parvis des Chasses Grisaille dissimule la lucarne d’où elle espionne, en catimini, Bourghiéron et leurs alentours.
Car Ombre, l’œil perpétuellement glissé entre ses persiennes, et lunette astronomique au poing, ne vit que par procuration. Elle s’est inventée un fiancé dans chaque fief, et en les suivant dans leurs déambulations, c’est un peu comme si elle se promenait avec eux, main dans la main. Souvent, elle lâche sa longue vue, et empoigne son matériel de gravure. Talentueuse, mais torturée, elle fabrique un univers de monstres, créatures à demi animales mais aux traits facilement reconnaissables, célébrités croquées sur le vif, dans ce qu’elle appelle leur « milieu naturel ». Plusieurs fois, elle a saisi, sans le savoir, des comploteurs illustres en plein conciliabule, des voleurs acrobatiques pendant leur périple aérien, ou des agressions qui se voulaient discrètes. Mais comment repérer de telles scènes dans ce chaos graphique qui recouvre tous les murs de la pièce, au milieu d’étranges schémas anatomiques, de grands échassiers chapeautés barbotant dans les canaux de la Marina, d’êtres mythologiques s’entre pénétrant dans les traboules du Jardin Comédien, ou de géants semi mécaniques dévorant leurs enfants, adossés aux réserves sur pilotis des Marécages.
La jeune femme, toujours tachetée d’encres diverses, reçoit peu de visiteurs. Seules ses créations sortent parfois de son antre, quand elle en a un trop plein. Elles s’échouent alors sur les étals des marchands d’arts, ou dans les pages de quelques romans qu’elles illustrent à peine. Qui sait si un de vos Ligueurs n’en est pas un personnage récurrent, un de ses amoureux ou de ses monstres virtuels dont Ombre s’entiche, depuis ses hauteurs, dans cet atelier solitaire dont elle a fait son petit purgatoire…
Elle aurait pourtant de quoi bien vivre sa vie, cette jeune héritière des réglisseries et confiseries Froment, si un accident de ballon n’avait pas brisé son existence, il y a de cela 13 ans. Adolescente ce jour où ses parents trouvèrent la mort, elle reçu un violent choc à la tête, et se réveilla femme, dans un monde transformé par l’apparition des Dévoreurs et le Rituel de l’Aube, un monde qui la traumatise et qu’elle essaye vainement de fuir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire