dimanche 11 mars 2012

Le Petit Cadwë : Isidore Fang, le cocher

J'étais pourtant certain d'avoir intégré ce personnage au Petit Cadwë, mais je ne l'y retrouve pas.
Mon ambition était de construire toute une galerie de transporteurs car mes joueurs n'ont de cesse d'utiliser divers moyens de transports... Isidore Fang était mon premier texte. Devait suivre Fifi et Riri, deux types en pousse-pousse travaillant de concert et se tirant perpétuellement la bourre, transformant ainsi la moindre course en successions de cascades et d'accidents plus ou moins évités de justesse... Mais place ! Voilà qu'arrive Isidore, un cocher wolfen, en passe devenir une légende.


Isidore Fang écrase sous sa patte fauve la cigarette rugueuse qu'il a fumée jusqu'au filtre. Appuyé nonchalamment contre le bois sombre de son coche, il se passe une griffe entre les crocs, fouille les interstices humides entre ses canines, à la recherche d'un relief de repas. Fils d'Yllia...Je t'en donnerais, moi... Le wolfen se sent infiniment moins de parenté avec cet astre froid qu'avec n'importe lequel des pavés luisants des grandes artères du Joyau. Cette cité est la sienne. Pas un coursier, pas un cocher qui en connaisse mieux les avenues et les ruelles que lui, tous les tours et les détours, jusque dans les royaumes de la Grande Couronne. Certaines routes sont comme des coups d'épingles qui percent jusqu'à la réalité même. Fang les connaît, elles et leurs passeurs. 30 ans qu'il pisse au coin des impasses et qu'il marque son territoire. Pour lui, pas de cartes ou de registres. C'est comme s'il portait les routes dans son sang. Comme s'il suivait ses propres veines. Cadwallon bouillonne en lui, elle enflamme sa truffe, et ses sens, fait frissonner ses poils. C'est une relation intime et exclusive. Fang a bien essayé de se fabriquer une vie, un foyer, mais rien à faire. Impossible de dormir autrement que roulé en boule sur une des banquettes de son carrosse.

Quatre heures sonnent quelque part. Quatre heures... L'heure des contrats les plus bizarres et les plus juteux. Isidore ne court pas après l'argent. C'est juste qu'il a des factures à payer. La pension de sa fille, les réparations du coche, et des fonds pour l'orphelinat des 800, dont il est issu. Il se souvient des surveillantes naines et des nuits à dormir par terre, tandis que les autres enfants plus petits s'entassaient dans des lits encastrés dans le mur, comme des tiroirs. Il aime bien payer. Il n'a pas réussi à intégrer complètement le concept de monnaie, ou peut être ne lui accorde-t-il pas la même importance.

Un crachin glacé commence à lui mouiller le poil. S'il forcit, les pavés de l'avenue Serre Ciel vont devenir une vraie patinoire, et les routes de la hure un bourbier infâme. Fang se souvient de cette fois où des dévoreurs l'on laissé pour mort et ont bouffé son passager. Un petit clerc théologiste, au crâne cerclé d'argent. Il déteste ces sauvages et leur furie aveugle. Depuis, il n'a jamais perdu un client, ni raté une seule course. Pas une depuis 17 ans. Il sait qu'il est en passe de devenir une sorte de légende, qu'il est une pièce unique comme le Crache-Funérailles à double détente qu'il cache sous son fauteuil. Un petit monstre trapu aux articulations bien huilées et bourré jusqu'à la gueule de poudre de contrebande. Il sait tout ça et il s'en fiche, car à demi masqué par la pluie, voilà que s'avancent deux silhouettes. Un homme en ciré, qui lève le bras et l'interpelle, un homme accompagné d'un enfant bizarre qui serre entre ses bras un sac bien trop volumineux pour un gamin de sa taille.

C'est l'heure de se remettre au boulot...



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