mercredi 28 mars 2012

Ah y est ! Presque...

Pour Cadwallon, il ne me reste plus qu'à poster les scénarios et les rotonaphtes pour clore les sauvegardes des textes déjà présents sur Internet.
Je les posterai probablement dimanche et à partir de la semaine prochaine, je m'attaquerai au bouts présents sur mes ordinateurs et sur mes disques durs. Enfin du nouveau, quoi...

Ma Moitié continue à travailler sur un site mieux organisé. Elle a réussi à me convaincre que c'était mieux ainsi. Quand elle aura fini de tout récupérer, on redirigera tous nos sites dessus (sauf celui du Franc-Ligueur qui est trop beau ^^)
Pour ceux qui veulent aller y faire un tour :

www.fleursdemeninge.org

Plus besoin de s'authentifier pour laisser un message. Dans l'espoir que ça suscitera des réactions :/

Cadwallon : ceux qu'on croise dans la rue - 1ère partie

Voilà une serie de personnages que l'on peut croiser dans les rues Cadwëes, vivotant de petits boulots et de maigres rapines.

Des coiffeurs et des barbiers
Silimelle a grandit sous les saules, près de la Verdorée. Enfant songe, il garde de son engeance féerique une crinière intondable, rebelle à tous les traitements, comme une bête bruissante de ses milliers de crins, sans cesse en déplacement sur son crâne. Aussi à le voir pareillement hirsute, le badaud se demande souvent s’il fait bien de confier sa chevelure à un tel personnage. Et pourtant. Silimelle a appris de sa mère les mille et une façons de nouer ou tresser les cheveux, il est vif du ciseau et attentif au goût de son client. Il a, de son enfance curieuse et vagabonde, entre joncs et lagunes, ramené des baumes et des lotions, qu’il expérimentait déjà sur ses camarades avant même peut-être que vous ne naissiez. Il aime sa carriole et la drûne qui la tire, à la force de ses bras cerclés de cuivre et de runes. Elle qui a découvert l’amour et sa propre beauté le jour où Silimelle a taillé dans ses boucles et ses mèches encore toutes coagulées du sang épais des arènes.

Kiryelle joue du rasoir. Elle a appris à en abuser très tôt. Déjà quand les autres pensionnaires de l’orphelinat se moquaient de son visage marqué et de son nez tordu, elle savait zébrer leur chair rose d’un revers prestement asséné, ses doigts fins serrés autour d’une moitié de ciseaux. Puis le temps a passé. La voilà à son compte, avec sa chaise qu’elle promène au quatre coins du fief. Et ses rasoirs. Si vous vous installez entre ses bras, le cou tendu et la tête en arrière, elle vous rendra glabre en quelques mouvements d’une grâce et d’une amplitude contrôlée, avant de remiser son tranchoir d’argent dans une des poches de son gilet de cuir. On raconte que parfois elle arrondirait ses semaines en taillant à même la chair. Pour une guilde ou pour une autre. Quelques balafres de plus sont venues s’ajouter à son visage tailladé, sous les grandes mèches qui lui cachent les yeux. Ce que l’on ne dit pas c’est qu’elle économise, et qu’elle entend bien lancer un jour une meute de ligueurs aux trousses des enfants de salaud qui l’ont mise au monde et défigurée avant de l’abandonner nue et grelottante sur les marches d’un des escaliers du quartier de la Bonne Mine.

Des cireurs de chaussures :
« Barnium le gob, cireur de godasse depuis des générations, mon bon monsieur. On a tellement baigné dans le cirage et les lotions étant gosses qu’on en est tous tachetés mes frères et moi, comme des léopards du syharalna. Enfin il parait… vu qu’on n’y est jamais allés. Vous y êtes allé, vous ? Nan ? C’est des jolies bottes, monsieur, ça… Des vraies de vraies de belles. Permettez ? Ah ça, c’est un mélange, comme qui dirait un secret de famille, vous allez voir un peu le brillant et le satiné après. Y a que mes frères et moi qui utilisons ce produit miracle… Mes sœurs ? Nan, j’en ai pas monsieur… Et puis bon, c’est pas votre affaire. »
De sales bruits courent dans les milieux gobelins des Remparts, sur la famille Barnium et ses nombreux garçons. Des filles, non jamais, pourtant c’est pas faute d’enfanter, les pauvres femmes là-bas sont toujours enceintes d’une portée. Mais jamais de gamines, non. Juste ce drôle de mélange secret…

Ezreph Traum est un vétéran. Un dur de dur. Il a combattu les enfants du Despote, et ceux de l’Hérésiarque, et puis les Dévoreurs et leur hypocrite croisade anti-dieux. Jusqu’au jour où il a marché sur un engin explosif, une bombe de son propre camp. Et là adieu guiboles, adieu caserne. Aucun remerciement pour ses années de service, pas de famille pour l’accueillir, juste la misère et la rue qui l’ont pris dans leurs grands bras sales. Depuis, il fait rouler. Dans sa petite carriole de cul de jatte, il a tout ce qu’il faut pour rendre à vos souliers leur éclat. Exilé au ras du sol, personne ne connaît la texture des venelles mieux que lui, les poussières, les pavés ou la boue. Capable de reconnaître quelqu’un rien qu’à ses chaussures, ou bien de défendre ses maigres économies à grand coup de fer dans les tibias, tel est Ezreph, un cigare à peine allumé en bouche et ses yeux clairs perdus en de vagues réminiscences… Il n’y a qu’avec les autres soldats qu’il sort un peu de sa réserve, et qu’il crache ses souvenirs meurtris, ou son dégoût des chefs et des gradés, tous justes bons à envoyer des pauvres gars comme lui au casse-pipe.

Des charrieurs qui attendent les étrangers et se font passer pour des compatriotes. Plus tard ils entraînent leur proie, les saoule, les assassine parfois, pour mieux les dévaliser.
Puis tandis qu’ils s’endorment, de la drogue versée en douce dans leur chope, il rejoint ses complices avec qui il se partage leurs affaires. Demain il aura un autre visage, et parlera avec un autre accent. Demain, ses victimes ne trouveront au lieu de la chambre où ils ont déposé leurs affaires qu’une pièce vide dans un immeuble en vente.
(Une victime peut reconnaître Gors et faire un scandale en pleine rue, voire pire...)

Et enfin j'ai développé le trafic aérien plus que ne le suggère le livre de base :

Des aveugles à fusée
On les aperçoit parfois au coin d’une rue, ou bien sur une place, dans un endroit dégagé, un abord de parc, ou bien un carrefour. Lunettes fumées sur le bec, et une caisse de pétards sur les genoux, tous aveugles, allez savoir pourquoi, ils vendent pour une pièce l’accès aux cieux. Quand un homme leur achète une fusée, le feu de Bengale qui explose au dessus des têtes et des toits ne fait pas ciller leur pupille, mais les passants qui connaissent s’enfuient ou bien s’abritent dans un recoin de porte cochère. Car, après la fusée, arrive le ballon taxi, un de ces dirigeables à vapeur qui sillonnent le ciel de la cité, plus vite qu’un fiacre mais si souvent soumis aux caprices des vents. Dans un grand bruit de rotor, l’engin se pose à même la place, soulevant détritus et papiers gras, envoyant voler robes et chapeaux dans un tourbillon acre de poussière et de vapeur. Les passagers, courbés en deux, se glissent jusque dans le ventre de la bête, et les voilà partis dans un bouquet de fumée, vers les hauteurs de la ville ou bien des fiefs lointains…

dimanche 25 mars 2012

Cadwallon : les feuilles mortes se ramassent à la pelle

Balade intimiste à travers FunnyLand, entre Gwynn le souteneur, flingueur et hérétique à ses heures, et La Folle, sa protégée, amnésique et certainement dérangée.

Vous y trouverez des informations sur l'éclairage public du quartier.


« - Tu as pris le manteau favori de Kiki, elle va être furieuse, lâcha-t-il dans une longue bouffée de fumée…

- Je sais, répondit-elle dans un sourire

- Elle va sûrement te punir.

- Je sais aussi, mais tant que la punition est inventive... », ajouta-t-elle gourmande, en sautillant une marelle improvisée sur le pavage inégal de la rue.

Tout à coup, elle arrêta sa danse aérienne, tandis que le chien compissait savamment un totem keltois. Un de ces mâts de bois, terminés par une matrone ventrue aux seins cerclés de runes bleues, idole païenne sans visage qui tenait entre ses bras tendus une orbe luminescente, réplique miniature de la lune à son zénith et qui servait de réverbère dans le quartier.
« -Qu’est ce que c’est ?

- Un reste du passé doré du quartier. Il y avait de nombreux keltois parmi les fabricants de jouets de Funnyland. Ils fabriquaient des jouets en bois, des chevaux à bascule, des pantins articulés, des toupies parfumées dans du bois de Cade… Eux aussi ont décidés d’embellir le quartier, tout en respectant leur fichu culte et leurs ancêtres. C’est alors qu’ils érigèrent ces grands piliers sculptés, ces perchoirs à déesses avec leurs mains levées vers les étoiles. Il y en avait davantage jadis, mais les derniers keltois du quartier perpétuent tout de même la tradition, les plus vieux se rassemblent parfois en cercle autour d’un de ces vestiges, eux qui tiennent aussi de l’antiquité. Il faut les voir se dénuder jusqu’à la taille, dévoilant leur poitrine cave même sous les flocons de l’hiver, et caresser les runes qui tatouent leur chair ridée, en glapissant leurs chants barbares... »

Il expira quelques ronds de fumée qui se perdirent dans l’air soyeux de la nuit.

« - On raconte que quand l’un d’entre eux meurt, les autres gravent son nom à la base d’un des piliers, tout ça dans leur sabir natal, au milieu des « machin aime machine » et des graffitis des marmots. Il n’y a que les keltois pour se rappeler de tous les patronymes gravés sur ces totems, il paraît même qu’ils s’en servent pour se repérer ou se donner rendez-vous. Mais si l’un d’eux me demande de le retrouver prêt du pilier Kirm le Véloce, je t’avoue qu’il risque de m’attendre longtemps… »

Elle l’écoutait d’un air grave, et la tête inclinée selon un angle particulier, presque à l’horizontale. Comme si elle attendait que les mots s’envolent et retombent et se glissent dans le pavillon de son oreille, pour se graver dans sa mémoire. Elle redescendit d’un bond de la rampe d’escalier où elle était allé se percher et enroula ses membres autour d’un des totems :
« Pourquoi certaines lumières sont oranges et d’autres d’un blanc immaculé ? »

Il eut d’abord envie d’envoyer valser ses questions en même temps que le mégot de la cigarette auto-dafé qui agonisait entre ses lèvres, puis il se radoucit lorsqu’il se rendit compte que jamais il ne s’était aperçu de cette différence de couleur. Ou qu’il ne s’était jamais lui-même posé la question. Difficile de faire la différence entre ce qu’on ne voit pas et ce qui nous indiffère. Il allait lui dire que c’était sûrement une question de temps passé depuis le dernier enchaînement mais la truffe du berger allemand se glissa dans sa paume et il se surprit à faire une explication plus poétique :

« - C’est pour faire des dessins…

- Des dessins, demanda-t-elle alors que son sourire était en train d’éclore ?

- Oui des dessins. Si tu survolais le quartier en ballon-taxi, tu te rendrais compte qu’il y a toute une cohorte de points blancs et de points orange qui sont là, disséminés comme des lucioles aux quatre coins du fief. Si tu les reliais d’une certaine façon, cela formerait deux dessins entremêlés… Comme les deux croissants des signatures syhares…

- Ou le corps de deux amoureux enlacés ?

- Oui… Pourquoi pas. »

Elle resta un instant le nez en l’air, à guetter un éventuel ballon qui lui permettrai de voir tout ça de ses propres yeux. Gwynn s’avança jusqu’au parc, franchissant d’un pas léger les marches vers le toit terrasse où les manèges et les jeux somnolaient à demi plongés dans les ténèbres. Il n’était pas mécontent de son histoire de dessins, mais il ne se doutait pas que des mois durant elle allait harceler les vieux keltois du quartier, pour qu’ils écrivent son nom dans le réseau de leurs lunes factices.

Le chien courait entre les animaux de bois, silhouettes grotesques et caricaturales, montés sur des ressorts et n’attendant que des enfants cavaliers pour reprendre leur vie oscillatoire. Au fond du parc, le poulpe toboggan étendait ses tentacules glissières en de savants entrelacs, hommage décalé au Pair Poulpik de Bismuth qui avait commandité la création de ce jardin d’enfants, cerné de rambardes, au sommet d’un édifice plat de deux étages. Il craint un instant qu’il lui soit arrivé quelque chose, quand il devina son pas sautillant dans les escaliers. Elle chantonnait et l’ayant rattrapé elle glissa un bras au creux de son coude. Ils suivaient le clébard et ses aller-retour passionnés, truffe au sol et la queue en panache, leurs pieds traînant dans un tapis de feuilles mortes. Ces filles de Déméter suivaient le périple de leur déesse mère, elle qui abandonne la terre pour passer six mois aux enfers avec son mari. Voilà que ses filles quittaient leur monde de vent et de ciel, pour plonger entre les racines et rejoindre la terre et l’humus.

« - Tu as tout faux, se mit-elle à plaisanter, comme si elle lisait dans son esprit. Les feuilles ne sont que les femmes innombrables de Mr l’Arbre. Et toute l’année elles lui jacassent encore et encore dans les oreilles, toutes en même temps, tant et si bien qu’il n’entend jamais d’elles rien de distinct, juste un bruissement… Mais quand vient l’hiver il gronde et se fâche, alors toutes repartent chez leur mère et le laissent bougonner tout seul.

- C’est très misogyne comme façon de voir. »

Elle ne l’écoutait plus. Ils étaient sortis du parc, et suivaient une passerelle surélevée, rue au dessus de la rue, margelle piétonne bordant un lot d’appartements aux colombages usés, aux couleurs défaites. Immobile, elle fixait une affiche, mais son regard avait l’air de percer les couches de papiers superposées et se perdre dans les strates de ce mille-feuille de carton. Quel concert, quel avis de recherche, quelle petite annonce enfouie sous tous ces parchemins à demi moisis et décolorés par les pluies était elle en train de lire. Elle finit par hausser les épaules : « Tant pis, trop tard. » Puis elle décolla dans un tournoiement de robe et de veste au crochet, tourbillon brun qui dévalait les marches en riant, et qui l’entraînait lui et ce con de berger allemand à sa suite.

mercredi 21 mars 2012

Le Petit Cadwë : FunnyLand - les nuits de l'Antiquaille

Quartier : le Kraken

FunnyLand est un petit quartier du Kraken à la limite de la gare de la Tracteuse.

Tous les mois sur les quais noirs de l’Antiquaille, l’on dresse des mats courts boursouflés de lampions, des carpes de papiers , des dragons et des globes, échappés de Zukhoi, des longs accordéons aux anneaux bicolores et des poulpes ventrus aux huit tentacules de guirlande. Chimères de carton-pâte, toutes enceintes d’un feu moqueur et tressautant qui couve dans leurs flanc, elles éclairent les badauds endimanchés, les marins, pipe au bec, et les gavroches dépenaillés dont la misère crasse a déteint sur les joues. Tout ce monde se presse, se bouscule et se penche au dessus de grandes jarres où dorment des merveilles, enfants cachés du golfe de Syrhinh, des étoiles de mer aux jambes interminables, des lamproies aux long cils, ou ces seiches caméléons, agacées par la foule et qui rivalisent avec les paons et les feux d’artifices, dans une débauche de couleurs courroucées, pathétiques tentatives de faire fuir les curieux sans cesse plus nombreux. Les pêcheurs en manche de chemise et le verbe haut ne sont pas peu fiers de leurs trouvailles, des spécimens étranges pêchés dans leurs filets, du sar réversible, qui ne sait pas tourner en rond dans son bocal et se heurte aux parois, avant de se retourner comme un gant pour faire demi tour, en passant par les poissons-roche, anonymes cailloux qui se révèlent voraces et tout en dents pour peu qu’on leur lâche une proie malchanceuse.

Producteurs et artisans profitant de l’affluence, exposent leurs créations et présentent leurs gourmandises en dégustation, confitures d’anchois, sels d’algues, tielles et arak de poisson, pendeloques de nacre et entrelacement de perles qui iront ruisseler dans les décolletés de ces dames de la ville haute.

ÉVÉNEMENTS

1) un marin a dressé un phoque qui amuse la galerie. Ce dernier poursuit un PJs pour goûter à ce qu'il mange

2) Un illuminé gobelin tombe en adoration devant un poisson au fond d'une jarre. "le poisson-rat!" Il prêche, les gobelins sont crédules et prompts à l'idolâtrie. Procession, débordement fanatique ou intervention de la milice, au Mj de voir

3) Un dresseur orque quelque peu magicien organise un balai de poisson sauteur, bondissants de jarre en jarre. A moins que ce soit des charmeurs d'anguilles...

4) Vomissements en chaînes et maux de ventres. Ordalphabetix le gob aurait il mal lu la date de péremption du chutney de baudroie qu'il a offert ce soir à la dégustation

5) les larves du grand Uluhtc devraient rester dans les grands fonds, avec leur papa...

dimanche 18 mars 2012

Le Petit Cadwë : la Rue des Brasseurs et ses soufflets

Quartier : l'Automate

"Rue des Brasseurs, délires et puanteurs
Alcoolats alchimiques trop longtemps distillés
Dérèglent tes humeurs, avant de t'assommer..."


Ainsi parlait Moitié d'Homme, le poète gouailleur et cul de jatte, fierté littéraire du fief des Remparts, au sujet de cette grande rue de l'Automate, où dans des cuves runiques, ou dans des alambics de verre étrange bien antérieurs au premier Duc, les maîtres brasseurs de Cadwallon raffinent et travaillent des sucs puissants et des nectars secrets qui s'exportent ensuite à travers tout Aarklash. Dans cette artère du Joyau, le port du masque respiratoire était jadis une nécessité, car les vapeurs s'élevant des liqueurs de Désir, distillées à partir des fruits provenant des jardins du même nom, pouvaient vous estourbir un homme en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. A moins qu'elles ne lui troublent les sens en quelques inhalations et ne l'envoient courir à quatre pattes le long des plages.

Dans les rues voisines on avait appris à se prémunir de ces bouffées de démence, on se calfeutrait chez soi quand le vent vous apportait ces effluves, ou bien l'on relevait sur sa bouche et son nez le foulard parfumé que l'on arborait au col. Malgré ces précautions, les enquêteurs opiniâtres de la Rotonaphte déterrèrent entre les années 951 et 952, un nombre record de crimes passionnels et de faits divers sordides dans les alentours de la rue des Brasseurs. Le Duc fut obligé de faire quelque chose, aussi contacta-t-il les ingénieurs du Trait.

Ce fut un conglomérat nain qui remporta l'appel d'offre. Ils installèrent à l'amont de la rue de gigantesques soufflets de forge, actionnés par des vérins à vapeur, des soufflets monuments, avec heure de visite, de la taille d'une maison de ou trois deux étages. Depuis un vent artificiel balaye constamment l'artère, chassant les vapeurs malivoles vers la mer, soulevant dans sa course les capes et les jupons...

dimanche 11 mars 2012

Le Petit Cadwë : Isidore Fang, le cocher

J'étais pourtant certain d'avoir intégré ce personnage au Petit Cadwë, mais je ne l'y retrouve pas.
Mon ambition était de construire toute une galerie de transporteurs car mes joueurs n'ont de cesse d'utiliser divers moyens de transports... Isidore Fang était mon premier texte. Devait suivre Fifi et Riri, deux types en pousse-pousse travaillant de concert et se tirant perpétuellement la bourre, transformant ainsi la moindre course en successions de cascades et d'accidents plus ou moins évités de justesse... Mais place ! Voilà qu'arrive Isidore, un cocher wolfen, en passe devenir une légende.


Isidore Fang écrase sous sa patte fauve la cigarette rugueuse qu'il a fumée jusqu'au filtre. Appuyé nonchalamment contre le bois sombre de son coche, il se passe une griffe entre les crocs, fouille les interstices humides entre ses canines, à la recherche d'un relief de repas. Fils d'Yllia...Je t'en donnerais, moi... Le wolfen se sent infiniment moins de parenté avec cet astre froid qu'avec n'importe lequel des pavés luisants des grandes artères du Joyau. Cette cité est la sienne. Pas un coursier, pas un cocher qui en connaisse mieux les avenues et les ruelles que lui, tous les tours et les détours, jusque dans les royaumes de la Grande Couronne. Certaines routes sont comme des coups d'épingles qui percent jusqu'à la réalité même. Fang les connaît, elles et leurs passeurs. 30 ans qu'il pisse au coin des impasses et qu'il marque son territoire. Pour lui, pas de cartes ou de registres. C'est comme s'il portait les routes dans son sang. Comme s'il suivait ses propres veines. Cadwallon bouillonne en lui, elle enflamme sa truffe, et ses sens, fait frissonner ses poils. C'est une relation intime et exclusive. Fang a bien essayé de se fabriquer une vie, un foyer, mais rien à faire. Impossible de dormir autrement que roulé en boule sur une des banquettes de son carrosse.

Quatre heures sonnent quelque part. Quatre heures... L'heure des contrats les plus bizarres et les plus juteux. Isidore ne court pas après l'argent. C'est juste qu'il a des factures à payer. La pension de sa fille, les réparations du coche, et des fonds pour l'orphelinat des 800, dont il est issu. Il se souvient des surveillantes naines et des nuits à dormir par terre, tandis que les autres enfants plus petits s'entassaient dans des lits encastrés dans le mur, comme des tiroirs. Il aime bien payer. Il n'a pas réussi à intégrer complètement le concept de monnaie, ou peut être ne lui accorde-t-il pas la même importance.

Un crachin glacé commence à lui mouiller le poil. S'il forcit, les pavés de l'avenue Serre Ciel vont devenir une vraie patinoire, et les routes de la hure un bourbier infâme. Fang se souvient de cette fois où des dévoreurs l'on laissé pour mort et ont bouffé son passager. Un petit clerc théologiste, au crâne cerclé d'argent. Il déteste ces sauvages et leur furie aveugle. Depuis, il n'a jamais perdu un client, ni raté une seule course. Pas une depuis 17 ans. Il sait qu'il est en passe de devenir une sorte de légende, qu'il est une pièce unique comme le Crache-Funérailles à double détente qu'il cache sous son fauteuil. Un petit monstre trapu aux articulations bien huilées et bourré jusqu'à la gueule de poudre de contrebande. Il sait tout ça et il s'en fiche, car à demi masqué par la pluie, voilà que s'avancent deux silhouettes. Un homme en ciré, qui lève le bras et l'interpelle, un homme accompagné d'un enfant bizarre qui serre entre ses bras un sac bien trop volumineux pour un gamin de sa taille.

C'est l'heure de se remettre au boulot...



jeudi 8 mars 2012

Le Petit Cadwë : L'Oeil de l'Ombre

Quartier : Les Terrasses

Que feriez vous si vous vous retrouviez croqué et à demi monstrueux, sur toute une série de gravures à travers le Joyau ?

Telle une fée cachée sous son tertre, Ombre, dans son atelier, est un personnage difficile à débusquer. Pour peu que vous la cherchiez depuis les échelles et les passerelles environnantes, sachez qu’un subtil jeu de perspective masque toutes ses fenêtres. Le mur de la propriété des Lambale d’Iquor cache l’œil de bœuf depuis lequel, boudeuse, elle observe le fief, ou bien une des colonnes du parvis des Chasses Grisaille dissimule la lucarne d’où elle espionne, en catimini, Bourghiéron et leurs alentours.
Car Ombre, l’œil perpétuellement glissé entre ses persiennes, et lunette astronomique au poing, ne vit que par procuration. Elle s’est inventée un fiancé dans chaque fief, et en les suivant dans leurs déambulations, c’est un peu comme si elle se promenait avec eux, main dans la main. Souvent, elle lâche sa longue vue, et empoigne son matériel de gravure. Talentueuse, mais torturée, elle fabrique un univers de monstres, créatures à demi animales mais aux traits facilement reconnaissables, célébrités croquées sur le vif, dans ce qu’elle appelle leur « milieu naturel ». Plusieurs fois, elle a saisi, sans le savoir, des comploteurs illustres en plein conciliabule, des voleurs acrobatiques pendant leur périple aérien, ou des agressions qui se voulaient discrètes. Mais comment repérer de telles scènes dans ce chaos graphique qui recouvre tous les murs de la pièce, au milieu d’étranges schémas anatomiques, de grands échassiers chapeautés barbotant dans les canaux de la Marina, d’êtres mythologiques s’entre pénétrant dans les traboules du Jardin Comédien, ou de géants semi mécaniques dévorant leurs enfants, adossés aux réserves sur pilotis des Marécages.
La jeune femme, toujours tachetée d’encres diverses, reçoit peu de visiteurs. Seules ses créations sortent parfois de son antre, quand elle en a un trop plein. Elles s’échouent alors sur les étals des marchands d’arts, ou dans les pages de quelques romans qu’elles illustrent à peine. Qui sait si un de vos Ligueurs n’en est pas un personnage récurrent, un de ses amoureux ou de ses monstres virtuels dont Ombre s’entiche, depuis ses hauteurs, dans cet atelier solitaire dont elle a fait son petit purgatoire…
Elle aurait pourtant de quoi bien vivre sa vie, cette jeune héritière des réglisseries et confiseries Froment, si un accident de ballon n’avait pas brisé son existence, il y a de cela 13 ans. Adolescente ce jour où ses parents trouvèrent la mort, elle reçu un violent choc à la tête, et se réveilla femme, dans un monde transformé par l’apparition des Dévoreurs et le Rituel de l’Aube, un monde qui la traumatise et qu’elle essaye vainement de fuir.

dimanche 4 mars 2012

Les dodelines

Les dodelines sont de longs arbres aux troncs rayés de blanc et de bleu. De leurs branches, emmêlées les unes aux autres, tombent des feuilles linéaires qui s'enroulent en cotillons d'un gris azuré.
Leur écorce est utilisée en tisane réputée combattre toutes sortes d'insomnies. Plus encore, l'ombre du dodeline a la faculté d'endormir ce qu'elle recouvre.
Oh bien sûr, l'assoupissement n'est pas immédiat : il faut plusieurs minutes passées sous les feuilles pour s'endormir au pied d'un dodeline, d'un sommeil profond et paisible. Et plus l'exposition se prolonge, plus il sera difficile de vous réveiller. Dans certaines bourgades, des préposés veillent à retirer les matous qui s'y reposent et un artisan, s'étant risqué à utiliser leur joli bois pour en faire des lits, s'est vu traîné en justice par un mari éploré dont la femme trop paresseuse ne s'est jamais réveillée.
Personne ne songerait à traverser une forêt de dodelines sans se munir d'un masque ou d'un sortilège protecteur. La plupart du temps, on se contente de survoler une étendue en ballon. Mais certains voyageurs ayant survécu à des attaques de brigands, dans un tel environnement, affirment que leurs agresseurs ne portaient aucune protection : il semblerait que des survivants aient fait le lien avec une consommation de sangavide, dont on sait déjà que les mercenaires raffolent en mâcher des racines pour se donner un coup de fouet avant un affrontement. Cet argument est étayé par la violence extrême décrite par les victimes des brigands. Mais quelle partie de la plante utilisent ces bandits et sous quelle forme : la racine ? la tige ? les feuilles tranchantes ? en décoction ? en injection ? en inhalation ? La découverte de leur secret apporterait de profondes modifications aux habitudes des agglomérations au voisinage des forêts de dodelines et mettrait en péril la sûreté des coupe-jarret s'y réfugiant.

samedi 3 mars 2012

Strike : le fondateur du 7 de Safre

La lumière du soleil repte à travers la chambre exiguë pour venir s'enrouler autour d'une lame, elle s'y attarde en étreintes miroitantes, avant d'onduler à travers un bric-à-brac hétéroclite et de se perdre comme avalée par le goulot d'une bouteille vide. Encore une nuit sans sommeil pour Strike le contrefait...

Un poignard file et se plante, rageur, dans l'ombre cornue sur le mur. Poing gauche disproportionné, queue sinueuse, un cauchemar propre à déclencher chez les akkylanniens un de ces grands barbecues festifs comme ils les affectionnent tellement.

Même le reflet déformé sur le plastron de sa cuirasse lui parait mieux que l'original...

Même pas capable d'être un grotesque gobelin, juste un mutant, un monstre. Plusieurs fois il a pensé se défaire de ce visage de gargouille, racler jusqu'à l'os ce masque de carnaval écarlate, mais rien n'y fait. Les blessures se referment plus vite qu'il ne se les inflige et le diable dans le miroir le dévisage de plus belle. Goguenard. Grotesque. Si étranger que c'est comme s'il haïssait un autre que lui.

Pas la peine de rester là à se morfondre. Strike bondit du lit, en faisant fuir les chats qui se sont glissés par la fenêtre pour finir son repas et les restes divers qui jonchent le sol. Foutus félins, faut-il qu'ils soient courageux pour survivre dans une ville où les wolfens pullulent...

Sa main droite boucle son ceinturon tandis que sa senestre, aussi massive que maladroite soutient le baudrier de sa colichemarde. Il saisit ses jambières de cuir jetées sous le lit, et le plastron chitineux taillé dans la carapace couleur rouille d'une saleté insectoïde. Tant de pièces disparates, d'équipement dépareillé, comme s'il avait rodé aux quatre coins d'Aarklash et de son histoire : un bijou Daïkinee, une médaille datant de Kharboxyl, ses lames-pistolets jumelles comme volées à des inquisiteurs du Griffon...

Un corps sans cicatrice mais une identité en lambeaux...

Un patchwork d'événements sans queue ni tête, un brouhaha de batailles, de retraites, de contre-attaques et de retraites encore. Une fuite en avant décousue, à moins que ce ne soit que les divagations dérangées d'un mythomane.

Même si son corps régénère, sa mémoire, elle, est au bout du rouleau. Comme si sa date de péremption était depuis longtemps dépassée, qu'elle avait plusieurs fois franchi ses limites et qu'elle se soit effacée au petit bonheur la chance pour faire de la place.
Les tirs de canons ébranlent déjà le Rempart et l'odeur fétide du quartier s'éveille sous le soleil alors que, chapeau noir vissé sur le crâne, le gobelin se dirige sans hâte vers Den-Azhir.
Contre sa poitrine, le ducat ensanglanté par lequel il a prêté serment reste sans chaleur, comme mort, depuis que sa fratrie entière a été décimée dans une embuscade. Foutus usuriers, foutue régénération qui a voulu qu'encore une fois il survive aux gens qui avaient fini par l'accepter comme un frère.

Strike serre son poing difforme jusqu'à s'en donner mal au crâne, il est prêt à tout et à n'importe quoi plutôt que de voir sa ligue défaussée...