dimanche 6 septembre 2009

Bear Harbour : le Vieux Parc

Un jour est arrivée, par les canaux, une péniche solitaire, au nom illisible sur une coque rouillée. Les éclusiers eux-mêmes disent ne l’avoir jamais vue. C’est comme si elle avait surgi des brumes pour aller s’échouer là, à quelques encablures des quartiers, toute chargée de graines et de plantes, de spores et de semailles qui colonisèrent les abords à une vitesse folle comme si leur seul but avait été d’essaimer et de se répandre, colonie végétale venue d’on ne sait où, arbres et graminées jamais vus ailleurs, à l’écorce sombre sous un feuillage plus noir que la nuit. C’est devenu un parc, le Vieux Parc, Le Parc du Cœur Ténébreux comme l’appelle les forains qui la moitié de l’année y élisent domicile. Un lierre ébène escalade depuis les piliers du grand huit, et sous les ramures torturées où pendent tout au fil de l’année de lourdes figues phosphorescentes, déambulent toute une faune d’anges fugueurs, de butineuses fardées ou de dockers en goguette. On y rit, on y danse sous les lampions, on s’essaye aux jeux des baraques et aux attractions mécaniques, tandis que dans l’ombre palpite toujours, organique et luminescent, le cœur ténébreux du parc.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire