dimanche 6 septembre 2009

Bear Harbour: les catacombes musicales

"C'est en essayant de distraire les filles que nous découvrîmes cette échoppe et l’être mécanique qui la tenait. Mr Tic était lui-même une attraction. La couche épaisse de fard sur sa figure, la raideur de ses gestes et le peu d'expression de son visage se conjuguaient avec l'impression étrange que son costume queue de pie avait été cousu sur lui, et ne l'avait jamais quitté. Il nous reçu fort civilement, encaissa le prix de la visite, et nous tendit quelques lampes et des gobelets de soupe fumante, du velouté aux champignons... Je lisais dans les yeux de ma brune une curiosité vorace, l’envie de mettre à jour la horde d'engrenages cliquetants qui habitaient probablement le crâne de l’automate, comme une fourmilière, quand celui-ci écarta un épais rideau de velours, et nous dévoila son antre...
C'était un labyrinthe tortueux, un enchevêtrement de venelles, de tentaculaires catacombes où les boîtes à musique avec leur manivelle et leurs petites dents métalliques, remplaçaient avantageusement les crânes et les fémurs. Alignées sagement comme autant de cigales, elles attendaient, innombrables, qu'on leur gratouille les rouages.
Au gré de nos errances, à la lumière des bougies, nous nous sommes mis à fredonner. Mes muses m’entraînaient du bout des doigts, du bout des yeux, chantant romance au rythmes des rengaines mécaniques, accompagnées par de rares danseurs à ressorts dans des vitrines tavelées de brun.
Nous sortîmes comme régénérés. Notre hôte déclara qu'il prenait les commandes, au cas où nous voudrions une boite à musique faite sur mesure. De l'autre coté de la porte, le ballet matinal des éléphants municipaux commençait, nettoyant les rues à grands jets d’eau avant de les noyer sous la bouse. Ensuite viendraient les jardiniers amateurs avides d’engrais dans le crissement de leur brouette, tandis que le chant des cornacs s’éteindrait sur le port…"
Gwynn, propriétaire du Putopia

1 commentaire:

  1. C'est très bon, tout ça !

    A mille lieues des orientations bisounourses qui sont les miennes, mais le style est alerte, l'imagination enflammée et le délire permanent.

    Continuez comme ça, garçon, c'est un plaisir de vous lire !

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