dimanche 6 septembre 2009

Bear Harbour : la Pension Longuet

(Inspirée du dessin animé "les Triplettes de Belleville")

Cette pension de famille relativement miséreuse est tenue par la veuve Longuet, femme au grand coeur qu'un long veuvage à fini par faire ressembler à son défunt époux. Une moustache grise et rebelle ourle sa lèvre supérieure, tandis que d'énormes bésicles à double foyer finissent d'en faire une créature improbable aux globes oculaires impressionnants. Cette vieille dame industrieuse trottine du matin au soir dans la cuisine-salle à manger-hall d'accueil qui occupe le rez-de-chaussée, préparant du pain perdu au lait gris, ou tricotant des châles et des mitaines d'un mauve douteux, qu'elle vous offrira par la suite.

La bâtisse étroite et toute en hauteur gîte à bâbord, comme un navire abandonné en cale sèche, son quatrième étage appuyé contre un des piliers du téléphérique. Les ingénieurs civils n'ont pas eu le coeur de déloger la vieille dame et ils décidèrent d'attendre son décès pour raser le bâtiment. Mais le temps à beau s'acharner, Mme Longuet reste alerte, même si elle n'escalade plus les escaliers de métal qui mènent jusqu'aux chambres. Chaque étage est trop petit pour loger plus d'une alcôve, que clos une tenture. Un grand lit en occupe souvent toute la largeur, et des valises bon marchés, glissées sous le sommier, servent de range tout.
Malgré le bruit, l'exiguïté et les soubresauts de la bâtisse à chaque passage d'une rame, l'ambiance y est joyeuse et familiale, autour de la "grande" table du "salon". On y dévore les journaux de la veille, apportés par un généreux voisin. On s'y dispute en longues parties Tric Trac, on y refait le monde entre petites gens et pour peu que la bière des cluricaunes leur donne de l’élan, on écoute Mme Longuet et ses deux jumelles, juchés sur une table, interpréter leurs plus anciens succès, du temps où elles étaient starlettes, des stars de cabaret. Puis, entre le passage du 19h30 et celui du 20h10, tout le monde regagne sa couche et tache de s'endormir, la tête sous le traversin.

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