dimanche 6 septembre 2009

Bear Harbour : le quartier de Funny Heights

Le quartier de Funny Heights est planté de baraques de guingois, sur une butte à flanc de falaise, à deux pas du téléphérique qui enjambe la Ravine aux Champignons. La vie y est rythmée par les sirènes de l’usine à savon et par ses dégazages intempestifs dans les rues alentours, marées de mousse et de bulles ensavonnées, comme un ogre pastel et glougloutant qui dévorerait les voiries et tous les rez-de-chaussée, huilant le pavé glissant et lessivant les couleurs déjà déteintes. Les gens aux yeux éteints, en cuissarde caoutchouté et le visage marqué par des lunettes de protection hermétiques s’abritent dans les pubs à la nuit, derrière les vitres brunes, dans la lueur ambrée des globes alchimiques. Ils boivent à la régalade la bière sombre des cluricaunes, un liquide épais et pailleté d’éclats de vieille magie de contrebande. La bière les fait chanter des ballades oubliées, la bière jette un pont entre leur conscience, la bière brasse leurs sensations et leurs souvenirs dans le fin voile d’écume qui les recouvre tous, et ils rient et ils dansent et guinchent à l’unisson, jusqu’à ce que les esprits des anciens faunes se retirent, et que chacun soit de retour, seul cloîtré dans sa psyché, avec l’aube en ligne de mire, la sensation d’un clou à travers le crâne, et la sirène de l’usine qui menace de sonner la reprise du travail dans les ateliers.

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