Il est, en plein cœur de
Bourghiéron, un fief dans le fief. L’impasse des Minimes, car c’est d’elle
qu’il s’agit, ne semble au premier abord qu’une venelle comme une autre. Elle
s’ouvre comme une gueule béante, à deux pas de la place des Faux Prophètes,
sous un porche sculpté aux canines d’émail. Il y règne sans fin une nuit étoilée,
mais les constellations y sont toutes en désordre, côtoyant une lune en lampion
dont on aperçoit les armatures de fil de fer à travers une peau de papier
huilé, et tandis que le passant s’écarte pour laisser passer un chariot tiré
par des rats, il s’aperçoit vite que quelque chose a changé.
Et pour cause, puisqu’en passant
le porche, il a été miniaturisé.
Ici, point de dragon dans le
ciel. Quelques chauves-souris, certes, dressées elles aussi. Au comptoir des
tavernes, l’on peut festoyer à huit sur un grain de raisin, et à l’Oenotilustre
c’est le même grand cru d’Allivie que l’on sirote goutte à goutte depuis trente
ans.
C’est un lieu hors du temps,
comme un village dans la ville. Certains de ses habitants se refusent d’en
sortir, tout comme bon nombre de cadwës préfèreraient mourir que d’être
« miniaturisés ». Ces braves citoyens ont sans doute peur de rester
minuscules à jamais. Pourtant, sitôt passé le porche, la seule communication du
quartier avec le reste du monde, tout revient à la normale. Enfin aussi normal
que cela peut l’être, dans le fief de Bourghiéron…
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