mardi 1 décembre 2009

Titan et Fils: les Marxoglodytes

Voilà ce qu'est devenu un conflit sur un pont, avec en arrière fond les traverses du Jdr "Ecryme" ou de la bande dessinée "Le pont dans la vase". Un moment assez grotesque, mais évocateur, aux relents de "cosmoglodytes" des "Mégret gèrent la France", et de la caricature crétine qu'on nous offre souvent quand on parle des "rouges", à un dîner de famille...

LES MARXOGLODYTES

Que reste-t-il du glorieux pays d’Amberlin ? De ses vallons et de ses lacs, de ces lavis verts et dorés que ses peintres étalaient sur leur toile ? Il ne demeure qu’une étendue de boue grise et corrosive scarifiée par des traverses de pierre et de métal reliant des bourgs asphyxiés et besogneux, peuplés de gens courbés et de riches esclavagistes. A toujours vouloir croître et prospérer, ils en ont consommé le pays, ne laissant derrière eux qu’une cosse vide et acide, un ichor sans couleur qui a dévoré le paysage et digéré leurs remords. Leur raison même parfois…
Ecrasés sous les « plans de rigueur », miséreux au points d’en accepter n’importe quel salaire, la foule des petites mains, les doigts coincés dans l’engrenage, trime et endure jusqu’à plus soif, besogneux à casquette, à la merci du « Monsieur ». Certains y ont perdu leur âme.
Dans la cité de Metaluppe, on a pendu les patrons au bout des grues, brûlé les contremaîtres sur des piles de livres de comptes et jeté les machines outils dans la fange. Et puis le prophète barbu, le messie sanglant des chaînes de montage s’est dressé sur la pile de décombres, et il a enfiévré les esprits.

Depuis des sigles rouges fleurissent sur les façades, des fleurs de faucilles encadrant le portrait hirsute du dévoreur, Mad Marx. Et dans les cités où tournent encore les usines, on craint sans cesse leur venue, leurs silhouettes hirsutes flottant dans des loques sans nom, leur horde cannibale prête à tout dévorer : possédants, actionnaires, ouvriers, chiens, chats, bétail et poissons rouges… Ils ont ravagé des bourgades entières, mastiqué des usines et digéré jusqu’aux piles des ponts. Tous portent la barbe, homme, femme et enfant, en hommage au prophète. Indifférents au froid, à la faim et à la douleur, ils marchent, dévorant tout sur leur passage et recrachant les os de leur vieux monde à la face du ciel.

dimanche 15 novembre 2009

Titan et Fils: la cité de Gasterre

Je continue à rêvasser autour de Titan et Fils et à peupler mes tuiles au fil des parties. Je ne suis pas sur de garder les mêmes règles mais j'aime vraiment le concept qui me rappelle l'Itinérance à Rêve de Dragon. Du coup, mes voyages y prennent un goût très onirique. Mais comme je raffole de cette saveur qu'avait si bien su distillée Messire Gerfaud...


GASTERRE

Gasterre est une cité qui marche, ou plutôt qui rampe au ralenti. La vie y a l’allure de son animal totémique, comme le rappelle la titanesque coquille tigrée qui abrite toute la cité sous sa spirale de nacre. L’escargot est à Gasterre, un animal sacré, qui va et vient et glisse à sa guise, tandis que pluie et crachin tapote sur le dôme zébré. Du petit au gros gris, des ambrés aux tigrés, en passant par les Gigantis qui servent de monture, ils laissent tous leurs traces glaireuses au fil des rues, le long des murs et jusqu’aux plafonds, au point que tous les habitants portent des bottes de pluie. On y porte aussi des bonnets en spirale et un perpétuel sourire assoupi et lointain, comme celui qu’arborent les ivrognes enivrés de Baveuse, l’alcool local et transparent, qui vous lénifie et vous colle à la glotte avant de transformer, si l’on en abuse, votre langue en limace alanguie.

Du fond de leurs bonnets surmontés d’yeux pédonculés, les prophètes gris de Gasterre lisent les augures dans l’entrelacs baveux des va et vient des escargots sacrés. Ils se sont laissés énucléer pour apprendre à lire du bout des doigts les lacis mousseux des divins gastéropodes, et déchiffrer dans la consistance et les méandres du mucus, des prophéties morcelées et cryptiques dignes des plus grands illuminés. Mais qui sait quelles vérités elles abritent sous leurs comptines.

Mais si tu te rends à Gasterre, voyageur, méfie toi des malemorves, les traces malades d’escargots fiévreux. Tu y sombreras corps et biens, prisonnier d’un reflet poisseux de la réalité, peuplé de simulacres sans visage qui essayeront de t’entraîner toujours au plus profond de ces architectures molles, parodie gluante d’une ville et d’une région prospère. Si jamais tu venais à sombrer dans une fondue pareille, cherche le point le plus haut, la surface n’en est pas loin, et si tu es chanceux, tu devrais voir les mains des braves gens essayer de te tirer de là.

lundi 9 novembre 2009

Titan et Fils: les plaines nocturnes de Barambulle

Boouh, bien occupé que je suis ces derniers temps, moult systèmes et univers qui me tentent, et moulte parties avec des copains divers. Faudra que je me force à rédiger ce que j'ai enfanté pour ces occasions.

Sinon, ma rencontre avec Titan et Fils, un jeu du Grumph, loué soit son nom

J'ai beaucoup aimé l'idée, et même si je n'ai pas playtesté, ça m'inspire fortement.
Je pense que la chose la plus drôle à faire avec ce jeu, c'est de rendre moins anonymes les tuiles plaines, marais, bourg etc, de créer des endroits qui peuvent revenir parfois et inspirer les joueurs.

J'ai à peine eu le temps d'y songer et de débuter une partie avec ma moitié adoré et mon fils qu'il a fallu qu'il aille se coucher.

A tout hasard et pour le plaisir d'écrire voilà la toile de fond où s'arrêta leur caravane chargée de chocolat de luxe...


LES PLAINES NOCTURNES DE BARAMBULLE

En roulant à travers les plaines de Barambulle, on fauche à grand revers d’essieu des étoiles au berceau. des novas montées en graine, des astres en jeunes pousses, nombreux comme des épis de blé. C’est un peu de poussière céleste qui vous colle aux roues quand vous partez de ce pays plongé dans une éternelle nuit. Si vous ne finissez pas fauché par la pétoire d’un redneck sur échasse. Faut dire que ces fermiers veillent méchamment sur leurs récoltes et qu’ils sont plus instables qu’un lévrier unijambiste. Un instant ils vous invitent dans leur ferme sur pilotis, vous installent dans leur rocking-chair, sur leur terrasse de bois flottant à fleur des houles lumineuses et partagent avec vous un cuissot de sagittaire. L’autre, ils vous pourchassent à coup de fusil, comme si vous étiez un simple capricorne, un lion ou un cancer, ces crabes violonistes qui se cachent dans les hautes herbes… Si on les écoutait c’est tout le zodiaque qui vient hanter leurs champs…


Je n’ai jamais croisé ni vierge, ni gémeaux. Mais j’ai vu un poulpe stellaire, une pieuvre semi transparente qui dégustait de petits soleils. Les astres dans sa chair fantomatique resplendissaient de mille feux, la transformant en un être lumineux, à la grâce céleste, cueillant les comètes à venir du bout de ses huit tentacules, tous aussi gracieux que des ballerines.

Dommage que ce spectacle ait été interrompu par une décharge de chevrotine : « Faut pas les laisser remonter toutes gavées de lumière, après ça s’accroche là haut, entre deux planètes, et ça vous fout des migraines aux astronomes... »

vendredi 25 septembre 2009

BoL: un scénario vaseux pour Barbarians of Lémuria

Un petit scénario sans prétention pour Barbarians of Lemuria, tout l'intérêt est à mon avis dans la dernière partie. Au bilan une cité millénaire, des golems de vase, des naufrageurs, un sorcier maléfique, beaucoup d'or et de paranoïa et une fin qui n'est pas sans rappeler Pinocchio avalé par la baleine.

dimanche 6 septembre 2009

Bear Harbour: les catacombes musicales

"C'est en essayant de distraire les filles que nous découvrîmes cette échoppe et l’être mécanique qui la tenait. Mr Tic était lui-même une attraction. La couche épaisse de fard sur sa figure, la raideur de ses gestes et le peu d'expression de son visage se conjuguaient avec l'impression étrange que son costume queue de pie avait été cousu sur lui, et ne l'avait jamais quitté. Il nous reçu fort civilement, encaissa le prix de la visite, et nous tendit quelques lampes et des gobelets de soupe fumante, du velouté aux champignons... Je lisais dans les yeux de ma brune une curiosité vorace, l’envie de mettre à jour la horde d'engrenages cliquetants qui habitaient probablement le crâne de l’automate, comme une fourmilière, quand celui-ci écarta un épais rideau de velours, et nous dévoila son antre...
C'était un labyrinthe tortueux, un enchevêtrement de venelles, de tentaculaires catacombes où les boîtes à musique avec leur manivelle et leurs petites dents métalliques, remplaçaient avantageusement les crânes et les fémurs. Alignées sagement comme autant de cigales, elles attendaient, innombrables, qu'on leur gratouille les rouages.
Au gré de nos errances, à la lumière des bougies, nous nous sommes mis à fredonner. Mes muses m’entraînaient du bout des doigts, du bout des yeux, chantant romance au rythmes des rengaines mécaniques, accompagnées par de rares danseurs à ressorts dans des vitrines tavelées de brun.
Nous sortîmes comme régénérés. Notre hôte déclara qu'il prenait les commandes, au cas où nous voudrions une boite à musique faite sur mesure. De l'autre coté de la porte, le ballet matinal des éléphants municipaux commençait, nettoyant les rues à grands jets d’eau avant de les noyer sous la bouse. Ensuite viendraient les jardiniers amateurs avides d’engrais dans le crissement de leur brouette, tandis que le chant des cornacs s’éteindrait sur le port…"
Gwynn, propriétaire du Putopia

Bear Harbour: la Mer

C’était un beau mardi et la mer manifestait. Elle avait pris le funiculaire, pris un ticket famille à la station du port, et la voilà qui défilait, avec ses houles blondes, son écume, ses poissons bondissants et ses épaves brunes. Tempêtant de revendications, elle arpentait aller retour les rues de Bear Harbour, réclamant à la volée le dimanche de repos et les congés payés. Des gosses rigolards encadraient la manifestation, service d’ordre en culottes courtes et en marinière, jouant avec les vagues, et faisant très attention à ne pas se mouiller les pieds dans les slogans humides que scandaient en cadence sur le pavé le flux et le reflux. Incrédules, les vieilles regardaient passer les baleines, le nez collé contre les carreaux de leur rez-de-chaussée. Elles avaient peur pour leur cuisine, leurs rideaux, et le vieux caniche à coté d’elles qui aboyait aux merlans, mais aucune inondation n’était à déplorer. La mer prenait les rues certes, mais elle n’avait pas le toupet d’entrer là où elle n’avait pas été invitée. Les ouvriers, coincés dans leurs immeubles et leurs pensions de familles, avaient sorti les chaises longues et pique-niquaient sur le seuil, profitant pour une fois d’avoir la plage au pas de leur porte. Nichées sur la margelle des fenêtres du premier, les filles du lupanar péchaient, les jambes dans le vide et la canne à la main, se passant de l’une à l’autre une longue cigarette baguée d’or et nimbée de volutes.
En haut de la rue Mouffetard, quelques officiels endimanchés, tout en écharpes et en chapeau mou, essayaient de raisonner la rebelle et ses ressacs. Il lui lançait de vagues promesses, essayant de noyer le poisson. Et comme la mer a une tête pleine d’eau, elle les crut, comme toujours, leur promettant de revenir battre le pavé, si rien n’était fait d’ici la lune nouvelle.

« Quand les habitants de Bear Harbour racontent leurs histoires, on les traite souvent d’alcooliques, de fils d’alcooliques, et de petits-fils d’alcooliques etc.… Mais que voulez-vous? Quand toutes ces sardines, après la manifestation, ont voulu se détendre un peu dans mon bouge, devant une bière et une strip-teaseuse, j’ai encaissé leurs doublons concrétionnés arrachés à quelques épaves pirates, puis j’ai fait verrouiller les portes. Alors, ne me demandez pas quel est le plat du jour… »

Bear Harbour : Rotten Smiley

Sur la façade de bois, à la peinture verte écaillée, on pouvait lire un avertissement explicite:"Rotten Smiley, le snack le plus crade de tout Bear Harbour". Ce n'est pas l'épaisse couche de poussière sur les grandes vitres ambrées qui aurait pu démentir cette affirmation, ni les mines des clients, qui sortaient, échevelés et hilares, des taches et des pois plein les revers de leur chemise, ou se curant les dents du bout d'un ongle pensif. En scrutant à travers la buée et la crasse, on pouvait apercevoir, alignés comme de vaillants soldats, les plats proposés par ce bouge. Des montagnes de petits pois d'un vert éclatant, finissaient de dégorger leur colorant chimique sur un plateau de fer, perles sinoplines en cascade, ruisselant sur des minis tourtes à la viande, des pâtés en croûte, des beignets de foie de volaille au madère, ou des croustades de pieds de porcs, petites pâtisseries salées et grasses, à la pâte luisante et gorgées de suc. Les affamés à l'intérieur creusaient à pleine main les flancs de ses monticules émeraude, et se gavaient de viandes et de feuilletés, s'envoyant d'une table à l'autre, de pleines poignées de pois. Les gens du service, soucieux d’arborer un look négligé et grotesque, tout en respectant les règles de l'hygiène, se retrouvaient souvent les premières victimes de ses bombardements potagers. Dommages collatéraux tombés au champ d'honneur de la restauration burlesque, ils prenaient avec une philosophie toute "relative", les brassées de pois reçues en plein visage, ou bien les dérapages pas toujours contrôlés que provoquait toute cette manne légumineuse jonchant le sol. A part la grande Rachel et le rat bis qui s'agrippait à son épaule, le personnel ne s'accrochait très longtemps à ce travail. Sidney le patron prenait tout cela avec philosophie, essayant de trouver encore et toujours un nouveau truc louche pour décorer son rade. Des toiles d'araignées en draperies côtoyant les drapeaux irlandais, aux bestioles en caoutchouc qu'il enfouissait parfois au beau milieu des plats et que certains clients collectionnaient, en passant par le ballet de rongeurs et de cancrelats automatisés qui dansaient au plafond, l'on pouvait se demander ce qui avait donné à ce rouquin l'envie de faire de son snack un endroit pareil, dédié aux cafards en plastique et plongé toujours dans une semi obscurité parfois malodorante."Une enfance dans le placard sous l'escalier, lâchait-il laconique, avant que ses yeux ne se perdent le long des rubans adhésifs antimouche peuplés de bestioles en tissus qui dégoulinaient du plafond...

Bear Harbour : le Vieux Parc

Un jour est arrivée, par les canaux, une péniche solitaire, au nom illisible sur une coque rouillée. Les éclusiers eux-mêmes disent ne l’avoir jamais vue. C’est comme si elle avait surgi des brumes pour aller s’échouer là, à quelques encablures des quartiers, toute chargée de graines et de plantes, de spores et de semailles qui colonisèrent les abords à une vitesse folle comme si leur seul but avait été d’essaimer et de se répandre, colonie végétale venue d’on ne sait où, arbres et graminées jamais vus ailleurs, à l’écorce sombre sous un feuillage plus noir que la nuit. C’est devenu un parc, le Vieux Parc, Le Parc du Cœur Ténébreux comme l’appelle les forains qui la moitié de l’année y élisent domicile. Un lierre ébène escalade depuis les piliers du grand huit, et sous les ramures torturées où pendent tout au fil de l’année de lourdes figues phosphorescentes, déambulent toute une faune d’anges fugueurs, de butineuses fardées ou de dockers en goguette. On y rit, on y danse sous les lampions, on s’essaye aux jeux des baraques et aux attractions mécaniques, tandis que dans l’ombre palpite toujours, organique et luminescent, le cœur ténébreux du parc.

Bear Harbour : la Pension Longuet

(Inspirée du dessin animé "les Triplettes de Belleville")

Cette pension de famille relativement miséreuse est tenue par la veuve Longuet, femme au grand coeur qu'un long veuvage à fini par faire ressembler à son défunt époux. Une moustache grise et rebelle ourle sa lèvre supérieure, tandis que d'énormes bésicles à double foyer finissent d'en faire une créature improbable aux globes oculaires impressionnants. Cette vieille dame industrieuse trottine du matin au soir dans la cuisine-salle à manger-hall d'accueil qui occupe le rez-de-chaussée, préparant du pain perdu au lait gris, ou tricotant des châles et des mitaines d'un mauve douteux, qu'elle vous offrira par la suite.

La bâtisse étroite et toute en hauteur gîte à bâbord, comme un navire abandonné en cale sèche, son quatrième étage appuyé contre un des piliers du téléphérique. Les ingénieurs civils n'ont pas eu le coeur de déloger la vieille dame et ils décidèrent d'attendre son décès pour raser le bâtiment. Mais le temps à beau s'acharner, Mme Longuet reste alerte, même si elle n'escalade plus les escaliers de métal qui mènent jusqu'aux chambres. Chaque étage est trop petit pour loger plus d'une alcôve, que clos une tenture. Un grand lit en occupe souvent toute la largeur, et des valises bon marchés, glissées sous le sommier, servent de range tout.
Malgré le bruit, l'exiguïté et les soubresauts de la bâtisse à chaque passage d'une rame, l'ambiance y est joyeuse et familiale, autour de la "grande" table du "salon". On y dévore les journaux de la veille, apportés par un généreux voisin. On s'y dispute en longues parties Tric Trac, on y refait le monde entre petites gens et pour peu que la bière des cluricaunes leur donne de l’élan, on écoute Mme Longuet et ses deux jumelles, juchés sur une table, interpréter leurs plus anciens succès, du temps où elles étaient starlettes, des stars de cabaret. Puis, entre le passage du 19h30 et celui du 20h10, tout le monde regagne sa couche et tache de s'endormir, la tête sous le traversin.

Bear Harbour : le quartier de Funny Heights

Le quartier de Funny Heights est planté de baraques de guingois, sur une butte à flanc de falaise, à deux pas du téléphérique qui enjambe la Ravine aux Champignons. La vie y est rythmée par les sirènes de l’usine à savon et par ses dégazages intempestifs dans les rues alentours, marées de mousse et de bulles ensavonnées, comme un ogre pastel et glougloutant qui dévorerait les voiries et tous les rez-de-chaussée, huilant le pavé glissant et lessivant les couleurs déjà déteintes. Les gens aux yeux éteints, en cuissarde caoutchouté et le visage marqué par des lunettes de protection hermétiques s’abritent dans les pubs à la nuit, derrière les vitres brunes, dans la lueur ambrée des globes alchimiques. Ils boivent à la régalade la bière sombre des cluricaunes, un liquide épais et pailleté d’éclats de vieille magie de contrebande. La bière les fait chanter des ballades oubliées, la bière jette un pont entre leur conscience, la bière brasse leurs sensations et leurs souvenirs dans le fin voile d’écume qui les recouvre tous, et ils rient et ils dansent et guinchent à l’unisson, jusqu’à ce que les esprits des anciens faunes se retirent, et que chacun soit de retour, seul cloîtré dans sa psyché, avec l’aube en ligne de mire, la sensation d’un clou à travers le crâne, et la sirène de l’usine qui menace de sonner la reprise du travail dans les ateliers.

Introduction à Bear Harbour

Très influencé par le GOON, le comics d'Eric Powell, et d'autres bouquins urbains, j'ai eu envie d'arrêter d'écrire des articles qui développaient des villes comme Laelith ou Cadwallon, pour m'installer chez moi, chez mes propres nibelunguens privés et domestiques, dans une cité baroque, entre heroic fantasy et films noirs, entre Hellywood et Disque monde. Les textes qu'elle m'inspire sont disparates mais j'espère que vous en tirerez quelque chose, quoi que ce soit. (Et puis ça m'aide à les ranger que de les poster) Quand j'aurai assez d'articles je ferai un joli pdf.
Surveillez les commentaires, j' y posterai les idées de scénarios qui me viendront avec l'article.

Dans chaque création divine, il y a des ratés et des anomalies, de ces endroits paumés et hors du temps qui semblent moins devoir leur existence à l’être divin qu’à son dealer. Nous connaissons tous des endroits comme ceux-là : Ank-Morpokh, le Pays des Merveilles d’Alice, ou la basse Picardie… Et bien nous dirons que Bear Harbour est de ceux là. Une cité insalubre, où n’importe quel monstre peut postuler pour une carte de travail, où certaines rues sont aux mains de zombis purulents et où des pixies suicidaires s’immolent dans le whisky tous les soirs au sommet des lampadaires.
Mais à Bear Harbour on peut aussi dénicher des maravillas, ces étranges artefacts qu’on ne trouve jamais ailleurs, boire un verre de larmes de Cerbère en compagnie d’un parent défunt, ou profiter des amours tarifés d’une rate garou aux huit mamelles.
Et puis essayez dans une autre ville médiévale fantastique de trouver un bon confit de chat à un prix décent passé les 23 heures…